Le circuit de Spa-Francorchamps accueillait, le week-end dernier, la seconde manche du championnat du monde d’endurance (WEC). Sur ce circuit rapide et vallonné, les équipes Porsche et Toyota, seules concernées par le championnat en catégorie LMP1, pensaient tout aussi bien à marquer des points qu’à préparer l’épreuve phare de la saison : les 24 heures du Mans.

Les deux Porsche évoluaient en configuration « faible appui », alors que chez Toyota, l’obsession de pouvoir enfin gagner Le Mans avait conduit les responsables à engager une troisième voiture (la N°9), (comme ce sera le cas  aux 24 heures) préparée avec les réglages Le Mans. Les deux autres (la N°7 et la N°8) roulaient en définition classique.

Sur cette N°9, les experts – Nicolas Lapierre et Stéphane Sarrazin – étaient désignés pour encadrer le « jeunot », en lui prodiguant moult conseils, tout en étant chargés également de collecter toutes les informations nécessaires pour optimiser les réglages.

A ce sujet, avant le départ de la course, Stéphane Sarrazin, toujours aimable et disponible, nous précisait :

« Nous sommes sur la voiture en configuration Le Mans. Nous sommes vraiment là pour préparer les 24 heures. Yuji (Kunimoto) va débuter sa première course en WEC. Avec Nicolas, on va essayer de lui apporter tout ce qu’on a pu apprendre. On verra en course comment les choses se passeront, mais on est vraiment ici pour préparer Le Mans, c’est notre objectif principal. Notre grande expérience doit d’abord servir à aider notre équipier, sur la N°9. »

La bataille des Ardennes dura 6 heures

D’entrée de jeu, nous avions compris que la bataille sera intense, tellement les protagonistes se prirent à la gorge pour marquer leur territoire. Porsche et Toyota avaient intégré que la météo devait se maintenir sans pluie et que la question du choix des pneus n’aurait pas d’impact sur le déroulement de la course. Il fallait donc aller chercher chaque dixième, ne pas ralentir dans le trafic, effectuer des doubles-relais et croiser les doigts pour que tout se déroule au mieux…

A ce petit jeu, rapidement, la Toyota N°9 évolua un cran en dessous, la fougue de Nicolas Lapierre au départ l’ayant reléguée en milieu de peloton, le jeune Kunimoto ne pouvait pas tenir le rythme infernal de ses petits camarades. Par contre, entre la Porsche N°2 et la Toyota N°7 (Hartley contre Conway) ou la Porsche N°1 (Loterrer) et la Toyota N°8 (Buemi), la guerre était sans merci et l’on assista à du grand spectacle. Les Toyota prenaient l’avantage et le rythme ne baissait aucunement. En fait, ce furent les ravitaillements effectués ou non sous régime de drapeau jaune, qui jouèrent le rôle d’arbitre dans la confrontation avec en plus et, surtout peut-être, la touchette effectuée par B. Hartley (Porsche N°2) sur l’Alpine N°36 de Romain Dumas, qui fit basculer définitivement la victoire dans le camp Toyota.

Quel numéro sortirait vainqueur, on put se le demander jusqu’au drapeau à damier, comme nous l’ont confirmé les protagonistes.

Sébastien Buemi déclarant :

« Nous n’étions pas les plus rapides, la N°7 l’aurait vraiment mérité cette victoire, mais ils ont perdu tellement de temps lors des Full Course Yellow, et nous en avons gagné tellement. Nous n’avons jamais eu le rythme depuis jeudi, donc c’est assez impressionnant de réussir à gagner sans avoir été les plus rapides. Nous avons eu un peu de chance. Je pense que nous avions les bons pneus au départ, mais je n’étais pas suffisamment rapide, et Mike Conway l’était vraiment. »

Effectivement, nous avons été frappés par le sens de l’attaque de l’anglais, à l’assaut en permanence avec une auto apparemment d’une stabilité exemplaire et pilotée par un garçon au culot monstre et à la vista impressionnante, qui déclarait, fataliste :

« En première partie de course, nous étions rapides et nous avons réussi à construire une belle avance, mais nous avons payé cher les deux Full Course Yellow, à chaque fois au mauvais moment. Nous contrôlions les choses devant, c’est juste un peu de malchance. Nous avons tout donné, même à la fin, c’était très serré, mais c’est la course. »

Le classement dans la catégorie reine, la LMP1, s’établissait ainsi :

  1. Toyota TS050 n°8 – S.Buemi / A. Davidson / K. Nakajima – 6h00’11
  2. Toyota TS050 n°7 – M. Conway / K. Kobayashi – 6h00’13
  3. Porsche 919 n°2 – T. Bernhard / E. Bamber / B. Hartley – 6h00’47
  4. Porsche 919 n°1 – N. Jani / A. Lotterer / N. Tandy – 6h01’37
  5. 5 Toyota TS050 n°9 – S. Sarrazin / Y. Kunimoto / N. Lapierre – 2 tours

Pour la domination en LMP2, la lutte ne fut pas moins intense. On a assisté à l’émergence de trois autos au-dessus du lot de  l’ORECA 07 N°26 du G-Drive avec Roman Rusinov, Pierre Thiriet et Alex Lynn victorieuse avec plus d’une minute d’avance sur l’ORECA 07 N°31 la Vaillante Rebellion de Julien Canal, Nicolas Prost et Bruno Senna et l’ORECA 07 N°38 du Jackie Chan DC Racing d’Ho-Pin Tung, Oliver Jarvis et Thomas Laurent, troisième.

Les Alpine ont déçu (2 voitures étaient engagées à Spa), elles semblaient manquer de performance, malgré tout le talent des pilotes, français notamment, tels que Romain Dumas, Pierre Ragues et Nelson Panciatici. Est-ce que le mariage des pneus avec le nouveau châssis était suffisamment élaboré faute d’un temps d’essais assez long avant le début de saison ?

En GT Pro, la lutte fratricide des deux Ferrari AF Corse, dominant les Ford UK donna des sueurs froides au manager Batti Pregliasco. Après un mano a mano spectaculaire et prolongé, finalement, la N°71 de Sam Bird et Davide Rigon s’est imposée devant la N°51 de James Calado et Alessandro Pier Guidi, laissant à la Ford GT N°66 de Stefan Mücke, Olivier Pla et Billy Johnson, la troisième place.

En GT Am, la seule Aston Martin N°98 de Pedro Lamy, Mathias Lauda et Paul Dalla Lana a pris nettement l’avantage sur la concurrence non résignée de  la Porsche 911 RSR Dempsey-Proton de Christian Ried, Marvin Dienst et Matteo Cairoli et dans une moindre mesure, de la Ferrari du Clearwater Racing de Weng Sun Mok, Keita Sawa et Matthew Griffin.

Cette course fut un véritable régal à suivre. L’audace des pilotes, les performances incroyables des autos, la vitesse d’intervention des mécaniciens, tout cela mis en scène dans un cadre aussi imposant que le circuit des Ardennes, militait pour apporter à l’Endurance un surcroît de notoriété amplement mérité. Nous avons déjà hâte de retrouver tout ce beau monde avec le double d’engagés pour les prochaines 24 heures du Mans.

Alain Monnot | Photos Toyota et Alain Monnot

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