Depuis quelques années déjà, constructeurs et équipementiers préparaient le terrain. Sur certains concept-cars ou prototypes (Eolab chez Renault ou XL1 chez Volkswagen), nous avons noté l’apparition de rétroviseurs numériques. Le lobbying étant en marche, rien ne semblait plus pouvoir l’arrêter.
Effectivement, à partir de 2018, la réglementation européenne, négociée au niveau de la Commission Economique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU), autorisera les constructeurs à remplacer les miroirs intégrés dans de gros systèmes de réglage, de dégivrage et de carénage, par des caméras.
Les avantages d’un tel système
Ainsi, le classique coup d’œil dans le rétroviseur, avant telle ou telle manœuvre, sera remplacé par une vision possiblement permanente sur un écran. Toute l’astuce consistera sans doute à trouver le meilleur emplacement de vision pour les images rapportées de manière permanente par les caméras installées à l’arrière et sur chaque portière. Chez Valéo, qui semble bien en pointe sur cette question, on n’hésite pas à mettre en avant les bénéfices pratiques d’un système baptisé SightStream.
Quelles que soient les conditions extérieures (pluie, givre, …), les caméras sont moins sensibles aux intempéries que les miroirs. Ensuite, dans des conditions intermédiaires de moindre visibilité, il sera possible d’ajuster la luminosité à l’écran. Enfin, point d’éblouissement par les pleins phares d’une auto qui vous suit.
Pour notre part, nous pensons que les stylistes n’auront plus à se cogner la tête contre les murs pour intégrer ces gros rétroviseurs dans un profil aérodynamique conçu pour un écoulement facilité de l’air. Cette disparition des rétroviseurs contribuera forcément à une réduction – minime, certes mais réelle – de la consommation et des émissions de CO2 et, réduira le sifflement de l’air à haute vitesse (sur une autoroute allemande, par exemple).
En revanche, il faudra trouver un moyen différent pour positionner les répétiteurs de clignotants, bien souvent intégrés dans nos bons « vieux » rétroviseurs.
Par contre, les caméras feront disparaître ce fameux angle mort souvent source d’accrochages, avant que l’on ait eu l’idée d’intégrer, dans ces futurs-ex rétroviseurs, un détecteur salvateur. La réalité augmentée devrait permettre, en plus, de faire apparaître en rouge par exemple, un danger immédiat.
Sans doute les esprits chagrins vont-ils évoquer le coût de ces évolutions technologiques. Nous pensons au contraire qu’elles s’inscrivent dans un processus global d’évolution numérique de l’environnement automobile (couplage et complémentarité avec d’autres capteurs) et coûteront moins cher à mettre en place que les systèmes sophistiqués des rétroviseurs actuels.
Pour le moment le rétroviseur intérieur n’est pas vraiment condamné, même si certains constructeurs, pour des questions de style, souhaiteraient bien diminuer encore la surface de la lunette arrière.
Efficacité avérée en compétition
Pour démontrer la pertinence de cette évolution vers les caméras de rétrovision, nous évoquerons un souvenir rapporté des 24 heures du Mans 2008. Alors que nous suivions de près la participation de Luc Alphand au volant d’une Corvette GT, nous avons assisté à une scène tout à fait surréaliste, en apparence.
Lors d’un arrêt ravitaillement, quelle ne fut pas la surprise du chef de stand de voir Luc Alphand ne pas vouloir repartir sans que le système de rétrovision par caméra ne soit réparé. En effet, avec la pluie et les vibrations, Luc se sentait en grand danger en ne percevant pas dans les rétros latéraux « avec précision les arrivées dans son cul des protos les plus rapides ».
Ayant débriefé un peu plus tard avec son équipe, Luc avait insisté sur le fait que pour sa sécurité, il était presque plus important de veiller à l’excellent fonctionnement du système d’informations par caméras, concernant l’arrière, que de nettoyer le pare-brise.
Bien sûr, nous étions en course avec des autos aux performances très différentes selon les catégories, mais dans la vraie vie, on retrouve ces mêmes ingrédients d’efficacité et de sécurité que les équipementiers ont su faire valoir pour décrocher un changement de réglementation.
Pour conclure
Désormais, le code de la route s’est mis en conformité avec la réglementation automobile européenne en remplaçant à l’article R. 316-6 les mots : « miroirs rétroviseurs de dimensions suffisantes », par « systèmes de vision indirecte ».
La voie est ainsi grande ouverte à l’innovation et attendons-nous à une vraie révolution en la matière !
Alain Monnot
Photos : constructeurs