Le championnat du monde d’endurance WEC reprenait ses droits le week-end dernier avec le prologue d’ouverture organisé, non pas sur le circuit Paul Ricard mais sur l’autodrome de Monza, à côté de Milan.
A deux semaines de la première épreuve de 6 heures qui sera disputée sur le circuit de Silverstone, ce premier regroupement des forces en présence était l’occasion pour nous de découvrir la nouvelle Alpine A470.
Pour cette saison 2017, deux exemplaires sont engagés en catégorie LMP2, où se retrouvent les teams privés engageant des prototypes. Et pour tout vous dire, ce sera bien là que les courses seront les plus palpitantes. On vous explique pourquoi :
Les usines font courir leurs monstres de technologie avec les protos hybrides (catégorie LMP1). Audi a quitté l’arène et seuls Porsche et Toyota vont s’affronter pour un duel à mort. Toyota veut absolument vaincre la malédiction du Mans et s’y rendra avec trois voitures. Nous aurons l’occasion d’en reparler…
Par contre, en LMP2, les voitures sont toutes, à l’origine, des châssis construits par le même constructeur (ORECA) et dotées du même moteur (Gibson). Bien évidemment, le team Signatech, avec toute la compétence technologique qu’on lui connait, a su comment exploiter au mieux le châssis brut qu’ORECA lui a livré. Tout le savoir-faire maison s’est déployé dans les détails facilitant le pilotage, rationalisant les ravitaillements, optimisant l’utilisation des pneumatiques.
Monza était l’occasion de voir se confronter quelques 10 équipes bénéficiant d’une grande expérience, mais le team Signatech-Alpine-Matmut fait encore figure de favori après une saison éblouissante (titre et victoire au Mans). Avec une puissance augmentée (plus de 600 chevaux), l’aérodynamisme a été retravaillé ainsi que les réglages de suspension, et toute l’équipe Alpine était impatiente d’effectuer ces roulages officiels permettant de se jauger par rapport à une forte concurrence.
Philippe Sinault, un manager serein
Avec l’amicale bénédiction de Philippe Sinault, team-manager, nous avons eu la chance de pouvoir accéder très librement au stand Signatech-Alpine (ce qui n’est pas le cas pour bien d’autres teams) et nous avons pu ainsi voir travailler, dans le calme, les équipes de mécaniciens. Nous en avons profité pour « tendre notre micro » aux acteurs de ce nouveau et beau challenge Alpine 2017.
Philippe Sinault, on redémarre une saison, on recherche un nouveau titre et on met toutes les chances de son côté… L’équation 2017, c’est cela ?
« Oui je crois, en tout cas je l’espère. De toute façon les ingrédients de la recette ont été bien sélectionnés et choisis. »
Commençons par la voiture. Pouvez-vous nous la présenter ?
« La voiture répond à la nouvelle réglementation, c’est la grosse nouveauté de l’année. L’Alpine A470 est vraiment nouvelle, avec un niveau de performances très élevé, qui nous fait carrément changer de catégorie. Même si ça s’appelle toujours LMP2, on tire vraiment dans une autre catégorie avec une centaine de chevaux en plus. Au-delà des 100 chevaux, tout est exponentiel, comme le niveau de charge aérodynamique et ce qui se voit le plus au final c’est le chrono. Vous l’avez constaté comme moi, ça va très, très vite. »
Pour les équipages, vous misez sur la jeunesse, mais pas seulement, quels sont les objectifs, la stratégie ?
« D’abord, quand on est tenant du titre, on se doit de le défendre. Et pour ce faire, nous devons mettre tout ce qu’il faut en place pour viser à nouveau la gagne. On ne peut pas se cacher derrière son petit doigt, nous faisons partie des équipes ayant tous les éléments pour jouer la gagne : voitures, pilotes et expérience. »
La saison dernière, nous avions noté une différence de performances entre les deux Alpine. Qu’en est-il cette année ?
« Pour 2017, le but était clairement d’avoir deux voitures à niveau équivalent de performances et que ces deux voitures soient capables de briguer des résultats de premier plan, que ce soit pour le championnat, ou au Mans. »
On note une belle attractivité pour l’Alpine commercialisée dernièrement, vous avez contribué à une montée en charge bien orchestrée. Cela vous satisfait ?
« Je ne sais pas si c’était bien orchestré mais en tout cas, le vrai élément important et le point clé du vrai départ de l’histoire moderne d’Alpine s’est passé voici quelques jours, quand l’A470 et l’A110 ont été photographiées ensemble. Un tel moment donne du sens à tout ce qui s’est passé depuis 4 ans. »
Des pilotes enthousiastes
Pierre Ragues, vous passez du rallye au championnat du monde d’endurance avec la même aisance ?
« Avec la même aisance, je ne sais pas… En tout cas, avec la même motivation et la même envie. J’étais très content de découvrir notre Alpine ce matin et tout s’est très bien passé. »
Alors cette A470, c’est comment ?
« C’était ce matin la première fois que je la pilotais. J’étais très content. J’ai fait une vingtaine de tours. On dispose de plus de puissance et la vitesse de passage en courbe est impressionnante. Il faut tout appréhender et commencer à découvrir les limites mais pour le moment, tout se passe bien. »
Et les équipiers ?
« Vous savez que je suis heureux de retrouver Nelson avec lequel on a passé de super moments en 2013. C’est donc beaucoup de bonheur. Et André Negrao, le brésilien, a une super pointe de vitesse ! Alors pour 2017, tout devrait bien se passer. »
Nelson Panciatici, nouvelle saison avec Alpine, changement d’équipage sur la N°35, qu’est-ce que cela t’inspire ?
« D’abord, je suis heureux de retrouver Pierre Ragues, puisqu’on avait débuté ensemble en 2013 et qu’on avait remporté l’ELMS. Rouler avec André Negrao, c’est top ! Il a beaucoup d’expérience, il sort du GP2, c’est un pilote rapide. On a donc un bon package pour faire un bon résultat. On ne fera peut-être pas la première course de Silverstone (la voiture ne sera pas tout à fait prête), on va se mettre dans le rythme à Spa et on essaiera de faire quelque chose de bien au Mans. »
Alors cette année le niveau en LMP2 a monté d’un cran ?
« Oui, il y a plus de puissance, mais le niveau des pilotes est élevé avec des pilotes de LMP1 et de F1. Nous disposons d’une centaine de chevaux supplémentaires, ça pousse bien. Je viens d’effectuer une dizaine de tours et suis très content de la nouvelle auto. »
Il convient de préciser que sur la N°36, Gusatvo Menezes et Matt Rao sont associés à Nicolas Lapierre, un des artisans du succès d’Alpine au Mans et au championnat 2016. Ce dernier sautera les épreuves de Spa et du Mans, pour rejoindre Toyota, en manque de sa victoire aux 24 heures. Il sera remplacé pour ces courses par le brillant et très polyvalent Romain Dumas.
Avant de bavarder avec ce pilote particulièrement éclectique, nous ne résistons pas à l’envie de révéler que Romain Dumas fut le mécanicien de Nelson Panciatici lorsque le gamin de 12 ans écumait les circuits de karting.
Alors Romain la saison prochaine vous roulez en rallye, en LMP2, en quoi encore ?
« Chez Alpine, je ferai Spa et Le Mans. Pour le reste, je suis toujours envieux de gagner des courses, ce qui est amusant et sympathique, et voilà ! Avec Porsche, après des courses de préparation, je ferai les 24 heures de Spa, les 24 heures du Nurburgring et, avec l’usine, on a quelques autres projets. Après, en parallèle, j’aime bien les rallyes (coupe du monde GT sur Porsche) et n’oubliez pas Pikes Peak sur la Norma, beaucoup modifiée, en vue de gagner et surtout d’améliorer le chrono de l’année dernière. »
Une bonne charge de travail
Comme nous avons pu le constater, l’atmosphère est excellente au sein du team Alpine. Les pilotes respirent la joie de vivre et la décontraction, avant de se concentrer de manière intense, avant de s’installer dans le baquet. Les mécaniciens travaillent dans la bonne humeur, sans stress apparent, et les autos sont auscultées après chaque run, avec méticulosité, et réadaptées en fonction des enseignements tirés par les ingénieurs installés face aux écrans d’acquisition de données qu’ils surveillent en permanence, tout comme Philippe Sinault, le manager.
Au final, les objectifs du team Alpine, visant à emmagasiner un maximum d’informations concernant ces nouvelles autos, semblaient pleinement réalisés. Il n’en demeure pas moins, que le peu de temps restant avant la première course du 16 avril ne permettra pas de faire rouler la N°35 là-bas. Les nuits vont être courtes, au moins jusqu’à la course de Spa, où les deux Alpine A470 seront de la fête le 6 mai prochain, sur un des plus beaux circuits au monde.
Que l’on ne s’y trompe pas, le niveau en LMP2 est des plus élevés cette année et des pilotes très rapides sont venus dans cette catégorie, avec pour objectif, le titre de champion du monde. Les nouveaux pilotes, A.Negrao et M.Rao se sont familiarisés avec les subtilités de la gestion des pneus, de la cartographie de l’injection, du contrôle de traction, etc. Autant de paramètres différents de ceux des monoplaces !
L’alchimie des courses d’endurance demeure complexe, mais l’expérience du team Signatech-Alpine, couplée avec une voiture parfaitement élaborée et des pilotes surmotivés, augurent bien d’une saison, où les couleurs d’Alpine seront portées bien haut.
Alain Monnot | Photos : Alain Monnot et Alpine/DPPI