Comment traduire au mieux, pour les lecteurs du Blog Starterre, l’ambiance et rendre compte de ce qui se prépare pour le championnat du monde d’endurance WEC ? Voilà bien la question que je me pose après avoir d’abord découvert la toute nouvelle Toyota TS 050 et fouiné un peu partout, lors du prologue du championnat du monde sur le circuit du Paul Ricard, même si cela n’est pas aisé chez certains constructeurs !

Alors comme pour peindre un tableau impressionniste, nous allons procéder par petites touches successives, au gré des rencontres, des observations, et des confidences.

Le plus difficile reste à savoir par quoi débuter.

Alors, attribuons la palme du bruit le plus puissant, voire tonitruant au gros V6 qui équipe les deux Ford alignées en WEC, en GTE Pro en 2016 par Chip Ganassi Racing en collaboration avec Multimatic.

Des Ford ambitieuses

Chaque passage le long des stands, le moteur rugit de manière assourdissante et les voitures issues des Supercars de la marque, impressionnent par leur puissance et leur extracteur arrière largement dimensionné.

Chez Ford, on a vraiment décidé de passer à l’attaque puisqu’on n’alignera pas moins de quatre équipages aux 24 heures du Mans. On retrouvera deux français : Olivier Pla sur la N° 66 et Sébastien Bourdais sur la N°68.

En matière de bruit, l’Amérique -toujours- sonne presque aussi bien avec la Chevrolet C7 Gr N° 50 en GTE Am de Larbre Compétition, même si Jacky Leconte, le team manager, se montre un peu ronchon par rapport aux exigences financières et techniques de la FIA.

Chez Toyota

La Toyota prête à en découdre

En pur contraste avec ces monstres d’outre atlantique, la nouvelle Toyota LMP1, qui démarre du stand, en mode électrique, étonne par sa discrétion. Nous savons combien l’équipe technique, basée à Cologne, et dirigée par Pascal Vasselon a travaillé dur pour effacer le camouflet de l’an dernier. En effet, il était forcément difficile de se faire taxer à toutes les courses après avoir été champion du monde en 2014.

Le directeur technique nous explique la réaction de Toyota :

Pascal Vasselon, directeur technique Toyota« Notre conclusion rapide était qu’il fallait tout changer mais surtout le groupe-propulseur, qui devait absolument passer dans la classe 8 mégajoules. Il fallait recourir au turbo. Cela a nécessité un changement profond au niveau du châssis. Comme chaque année, nous changeons la carrosserie, ça il n’y avait pas besoin de décider de le faire, puisque c’était prévu. »

Entre motorisation, châssis, et cet aérodynamisme, comment appréciez-vous en termes de pourcentage l’amélioration ?

« En termes de pourcentage, c’est difficile à dire. Disons que l’on s’est donné un objectif de progression de temps au tour, qui résulte de la combinaison de l’écart que nous subissions l’année dernière, plus ce que l’on pense que les autres vont faire. Nous avons donc travaillé pour atteindre cet objectif-là. La question maintenant c’est : les concurrents vont-ils être dans la fenêtre de progression que nous avons estimée. S’ils sont mieux que cela, on sera en difficulté. »

A cette question, seules les simulations et les exploitations des données relevées tout au long du prologue permettront de savoir où Toyota se situe vraiment par rapport à Porsche ;

Même si l’on a vu les Porsche dominer au chronomètre toutes les séances d’essais de ces deux jours, on ne peut pas dire que Toyota navigue très loin derrière. Il faut bien se rendre compte que chaque constructeur, en fonction du développement qu’il a dû entreprendre et des validations auxquelles il doit procéder, ne déroule pas la même programmation. Porsche semblait très à l’aise et se préoccupait plus de réussir les changements de pilotes que de chasser le chrono, tout en gardant le haut des feuilles de temps.

La Porsche tenante du titre

Toyota avait besoin encore de développement pour tout ce qui concerne la gestion du tout nouveau moteur V6 à injection directe et double-turbo. Dans cette perspective les pilotes comme Stéphane Sarrazin et Sébastien Buemi nous expliquaient, la complexité de la manœuvre et le gain en performance en ces termes :

Stéphane Sarrazin

« Quand on voit le volant, on se dit Waouh ! En fait, au niveau du système, on s’habitue même si c’est très complexe, mais au fil des heures quand on roule, les ingénieurs sont assez clairs, même si nous avons beaucoup de choses à faire. C’est une 4 roues motrices avec les gestions de l’avant et de l’arrière, des anti-patinages, de l’essence, du turbo… Tout ça c’est quand même compliqué mais on s’y est habitué. Maintenant, nous savons de quoi nous parlons, on connait notre système, il nous faut encore l’exploiter le mieux possible. Il faut toujours calculer, comment économiser l’énergie pour en disposer pour les bonnes parties du circuit.»

Sébastien Buemi

« Nous sommes passés au système hybride avec la batterie, et cela nous permet d’avoir beaucoup plus de facilité dans la gestion de l’énergie, et en plus, avec notre moteur bi-turbo cela constitue un très gros changement en vue de rendre la voiture la plus efficace possible. »

Nous avons cru sentir les Audi en poil en délicatesse avec les chronos mais avec le diable Docteur Ulrich, qui a plus d’un tour de passe-passe dans son sac, on cachait peut-être bien son jeu, pour mieux étaler sa force lors des qualifications pour les 6 heures de Silverstone courues le 17 avril prochain.

Avec Alpine

Nous ne pouvons pas manquer de souligner combien les deux nouvelles Alpine A 460 ont su se montrer avec élégance et efficacité pour leur première sortie. La N° 35 porte les couleurs chinoises du Baxi DC Racing team avec David Cheng et son compatriote Ho-Pin Tung qu’épaulera de sa grande expérience acquise depuis trois ans chez Alpine, le brillant Nelson Panciatici.

La N° 36, aux couleurs françaises du team Signatech, regroupera Nicolas Lapierre, Gustavo Menezes et Stéphane Richelmi.

Une Alpine performante

Philippe Sinault, le patron de Signatech, coiffera les deux structures en tant que team principal et il se réjouissait en ces termes de pouvoir atteindre une taille critique intéressante.

« Vous imaginez bien qu’avec six pilotes, l’acquisition et l’exploitation de données va être exponentielle et nous permettra d’appréhender très rapidement le nouveau package technique, que nous allons exploiter cette année. »

La Suisse, le Mexique et la bataille rangée en LMP2

Nous avons retrouvé Benoit Morand, le patron suisse du team, qui, les années précédentes, portait son nom.

Benoit Morand team manager Mexique

Il se félicitait d’avoir trouvé avec Jacques Nicolet, constructeur des Ligier et le mexicain, Ricardo Gonzalez, un accord en tant que société de service support pour mener cette campagne 2016 en tant que team manager de la Ligier JS P2 N°43 aux couleurs mexicaines et assurant la promotion de la course de 6 heures, prévue là-bas.

En LMP2, le niveau de pilotage sera très élevé avec des transfuges de la Formule 1 ou de la catégorie LMP1, et comme les marques de châssis se livrent une bataille commerciale sans merci, on peut s’attendre à des courses très disputées. Les constructeurs français ORECA et LIGIER sont au premier rang des prétendants à la victoire. Le proto russe BR01 a encore évolué durant l’intersaison. Au niveau des moteurs la majorité des concurrents utilisent un bloc Nissan, les autres des Judd. Pour les pneumatiques, Dunlop se montre très présent dans cette catégorie, comme Michelin peut l’être en LMP1,  à l’exception des Rebellion.

Dunlop-present-en-LMP2

En GT

On ne peut pas parler endurance sans évoquer et les Aston-Martin Vantage, les Ferrari 488 ou encore les Porsche 911 RSR et bien sûr, les Corvette d’usine ou de Larbre Compétition.

On le sait, là aussi, la lutte sera sévère.

Manu COLLARD - Ferrari

Notre ami Emmanuel Collard, pilote d’expérience s’il en est, engagé sur la Ferrari GTE Am N°83 au sein de l’écurie AF Corse, nous fait part de ses espoirs pendant et après le prologue :

«  Nous avons récupéré une très bonne auto de GTE Pro de l’an dernier et, comme nous sommes restés dans la même configuration d’équipage (avec François Perrodo et Rui Aguas), nous n’avons aucun temps d’adaptation entre nous, ni pour des réglages communs. »

Au moment du bilan des deux journées de roulage, Manu nous indiquait : « On a pu faire ce que l’on voulait en termes de tests et l’on est très content. La voiture se montre très équilibrée et rapide, et de plus, nous sommes très satisfaits des nouveaux Michelin. Nous avons validé nos réglages. Tout cela est de bon augure pour la première course à Silverstone. »

Le team-manager du team AF Corse, Batti Pregliasco, fort occupé avec quatre voitures présentes au prologue, nous donnait d’ores et déjà rendez-vous aux 24 heures du Mans, où il aura à gérer huit voitures !

Les Aston comme les Porsche ont roulé dans la discrétion quant à leurs bruits d’échappements, avec sans doute des programmes de validation de réglages spécifiques, mais leurs passages en courbes dénotaient un haut niveau de performance.

Enfin, dans la catégorie GTE Am, il faut souligner que chez Larbre compétition, on avait retrouvé le sourire avec le meilleur temps obtenu de la série tout en continuant à travailler sur les réglages de la C7R N°50.

Particulièrement suivie par Michelin, l’écurie du Vigeant a pu tester également les gommes 2016 et profiter des dernières propositions du manufacturier.

Côté pilotes, Paolo Ruberti, déjà présent chez Larbre en 2015, a assuré la continuité et offert un excellent point de référence à ses nouveaux coéquipiers Pierre Ragues et Yutaka Yamagishi qui ont encore besoin de roulage pour tirer tout le potentiel de cette envoûtante machine de course.

La saison a démarré

Et puis, après cette traditionnelle incursion de début de saison en terre provençale, chacune des écuries s’en est retournée sur sa base arrière.

Les ingénieurs vont dépouiller la masse des datas récupérées et préparer les autos pour la première course de 6 heures, le 17 avril à Silverstone.

Les plans logistiques vont être activés pour acheminer en temps et en heure le matériel et les hommes, afin de disposer tout autour du monde de tous les ingrédients pour réussir une participation digne d’un championnat du monde qui prend de plus en plus d’importance aux yeux du public, au détriment de la F1, il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître.

Calendrier FIA WEC 2016

  • 6 Heures de Silverstone, 17 avril 2016
  • 6 Heures de Spa-Francorchamps WEC, 7 mai 2016
  • 24 Heures du Mans, 18-19 juin 2016
  • 6 Heures du Nürburgring, 24 juillet 2016
  • 6 Heures de Mexico, 3 septembre 2016
  • 6 Heures du Circuit des Amériques, 17 septembre 2016
  • 6 Heures de Fuji, 16 octobre 2016
  • 6 Heures de Shanghai, 6 novembre 2016
  • 6 Heures de Bahreïn, 19 novembre 2016

Alain Monnot
Photos : Alain Monnot et DPPI

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