Nous avons toujours pensé que Le Mans exerçait une sorte de fascination sur les constructeurs, nous en avons encore la preuve cette année. Soixante ans après une victoire historique (triplé), Ford remet le couvert en engageant, non pas dans la catégorie reine des LMP1, 4 superbes et vrombissantes GT portant les numéros 66, 67, 68 et 69.
Connaitre l’histoire …
Il faut connaitre l’Histoire pour mieux préparer l’avenir dit-on généralement.
Alors, doit-on penser que Ford veut à nouveau contester la suprématie de Ferrari en compétition, comme ce fut le cas en 1963, quand Henry Ford II décide de venir défier les autos du Commendatore sur le terrain d’excellence des 24 Heures du Mans.
Tous les moyens sont alors lancés dans ce challenge avec le recours à la conception assistée par ordinateur et la collaboration des plus grands noms de l’automobile : Broadley, ingénieur de la Lola GT, Wyer, ex-directeur du team Aston Martin, Bruce McLaren, pilote d’essais et R. Lunn, ingénieur ayant élaboré la Ford Mustang.
Le résultat des travaux est spectaculaire avec une auto basse, bien profilée et bénéficiant d’un châssis en acier, original et léger, coiffé d’une carrosserie en fibre de verre. La Ford GT est née mais, de là à ce qu’elle puisse gagner au Mans, la route est encore longue.
Les essais, début 1964, s’avèrent laborieux. Malgré tout, 3 Ford GT 40 confiées aux équipages Schelesser-Attwood, Hill-McLaren et Ginther-Gregory vont affronter crânement l’ennemi juré Ferrari, alignant quant à lui, 3 exemplaires de sa 275 P. Les moteurs américains sont de gros V8 de 4,2 litres, alors que chez Ferrari on a eu recours à des V12 de 3,3 litres. Après un début de course où Ford fait illusion, les ennuis arrivent successivement sur chacune des Ford (incendie, transmission et boîte de vitesses), laissant Ferrari ramasser la mise.
En 1965, les toutes nouvelles Ford GT 40 MKII ne réussissent pas mieux à franchir l’épreuve du Mans, malgré six exemplaires engagés.
Il faut alors sans doute à la fois beaucoup d’abnégation et de volonté pour ne pas renoncer à vaincre ce sortilège du Mans. Effectivement, Ford, très critiqué par la presse, repart néanmoins à l’assaut des 24 heures. Le prestige de cette course mythique agit comme un irrésistible aimant, il faut battre les Ferrari et surtout gagner Le Mans.
En 1966, Ford porte ses espoirs sur une nouvelle version de la GT40. Plus performante et plus fiable, elle semble taillée pour la victoire en terre mancelle, surtout après un triplé aux 24 Heures de Daytona et un doublé à Sebring. Pas moins de treize de ces GT40 sont alignées au départ, face à onze Ferrari 330 P3.
Le big boss Henry Ford II a donné le départ, sans doute impatient de voir ses autos triompher. Ford attaque, Ferrari semble bien résister mais un carambolage élimine la Ferrari de Rodriguez-Scarfiotti, alors que les deux autres Ferrari de pointe sombrent pour des questions de transmission défaillante.
Les trois Ford GT40 MK II passent quasiment ensemble la ligne d’arrivée après une chevauchée fantastique à plus de 200 km/h de moyenne et marquent ainsi un vrai jalon dans l’histoire de Ford et de la course automobile.
… Écrire l’avenir
Même si Ford a encore gagné officiellement en 1967 avant de déléguer sa participation à des teams privés en 1968 et 1969, c’est bien ce cinquantenaire que la firme américaine entend célébrer ces 18 et 19 juin 2016. Là encore, ce sera en alignant 4 exemplaires de sa nouvelle Supercar GT en course, placés sous la houlette du Team Ford Chip Ganassi Racing, que la marque entend renouer avec sa légende, comme le précise d’ailleurs Bill Ford (Président Exécutif de Ford) :
« Lorsque la GT40 a participé au Mans dans les années 1960, Henry Ford II a cherché à prouver que Ford pouvait battre les équipes de course des constructeurs les plus prestigieux. Nous sommes toujours très fiers d’avoir gagné cette course emblématique quatre fois d’affilée. L’esprit qui a guidé l’innovation de la première Ford GT continue de nous pousser encore aujourd’hui. »
Nous avons découvert les bolides lors des essais de début de saison sur le circuit Paul Ricard et avions été étonnés par les proportions impressionnantes de la bête de course. Effectivement, avec 2 045 mm de large, et 4 763 mm de long, l’auto en impose quelque peu. En piste, la faible hauteur, seulement 1 030 mm, donne vraiment l’impression que la Ford GT est collée au bitume. Avec un aérodynamisme très travaillé, un extracteur arrière généreusement dimensionné et un poids contenu à 1 310 kg, grâce à l’usage de la fibre de carbone pour le châssis et la carrosserie, on pressent de belles choses en course.
Sur cette auto racée, un tout nouveau moteur V6 Ecoboost suralimenté de 3,5 litres, développant plus de 600 chevaux, a permis au team engagé avec deux autos en championnat WEC d’obtenir des résultats intéressants lors des deux premières courses 2016, avec les places de 4ème et 5ème à Silverstone et de 2ème et 6ème à Spa, dans la catégorie GTE Pro.
Pour les 24 heures,
le FORD CHIP GANASSI TEAM UK aligne :
- sur la N° 66, Olivier PLA (FRA) – Stefan MÜCKE (DEU) – Billy JOHNSON (USA)
- sur la N°67, Marino FRANCHITTI (GBR) – Andy PRIAULX (GBR) – Harry TINCKNELL (GBR)
le FORD CHIP GANASSI TEAM USA aligne
- sur la N°68, Joey HAND (USA) – Dirk MÜLLER (DEU) – Sébastien BOURDAIS (FRA)
- sur la N°69, Ryan BRISCOE (AUS) – Richard WESTBROOK (GBR) – Scott DIXON (NZ)
Comme on peut le constater chez Ford, on n’a pas fait les choses à moitié au niveau de la qualité des pilotes. Au sein du team, la motivation n’a d’égale que celle de la firme, comme le confirme Chip Ganassi :
« Nous avons gagné des courses et des championnats, mais nous n’avons jamais couru Le Mans.” témoigne Chip Ganassi, le propriétaire de l’écurie. “Quelle équipe n’aimerait pas avoir la possibilité de concourir à la plus grande compétition automobile du monde avec la toute nouvelle Ford GT, et de célébrer ainsi le 50e anniversaire de l’une des victoires les plus légendaires de l’histoire de la course ? Ce sera un fantastique défi et nous ne pouvions pas nous y attaquer avec un meilleur partenaire que Ford. »
Au regard de cette collaboration très internationale des pilotes, permettez-nous de pousser un petit cocorico, sans chauvinisme aucun.
Sébastien Bourdais, sarthois d’origine, sera un peu l’homme de base de toute l’équipe. Il a participé directement au développement de la nouvelle Ford GT et a couru les dernières 24 Heures de Daytona avec l’allemand Dirk Müller. De plus, en prenant le départ des 24 heures pour la 10ème fois de sa carrière, il sera en mesure de conseiller toute l’équipe sur ce qui peut constituer les spécificités de cette course si particulière, tout en collaborant à porter haut les couleurs du team sur la N°68.
En tout cas les essais de qualification se sont bien passés pour la marque à l’ovale bleu. Le premier jour, les deux Ford US précédait une Ferrari que suivaient les deux Ford UK. Jeudi soir, en raison de pluies orageuses, aucune modification de temps n’intervenait. Pire, la séance était même interrompue au drapeau rouge à cause d’une piste jugée impraticable par la direction de course.
Ce défi de Ford, salué par le Starter américain Brad Pitt, ne sera pas des plus faciles à gagner à cause d’une concurrence féroce, avec cette fois peut-être encore, Ferrari, en empêcheur de tourner en rond comme ce fut le cas dernièrement à Spa. L’histoire ne serait-elle qu’un éternel recommencement ?
Rédacteur : Alain Monnot | Crédit photos : Gilles Vitry et art of Racing